Intérêt pour agir en matière d’urbanisme: les dernières précisions du Conseil d’Etat

3 avr. 2025

Pour rappel, l’intérêt pour agir en matière d’urbanisme s’apprécie conformément aux dispositions des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du Code de l’urbanisme.

Il est désormais de jurisprudence constante qu’il appartient à « tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. » (CE, 24 février 2021, n°432096).

Au-delà de cette position désormais établie s’agissant du voisin immédiat, le Conseil d’Etat a eu l'occasion, en cette fin d’année 2024, de se prononcer sur la question de l’intérêt pour agir et, ce faisant, de dessiner toujours plus les contours de cette notion. D’une part, dans une décision du 16 octobre 2024, il s’est prononcé sur la qualité de locataire d’un immeuble ayant vocation à être démoli. Il a été jugé que « En admettant que la qualité de locataire de l'immeuble existant conférait à la société requérante un intérêt suffisant pour demander l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire litigieux, alors que ce permis, par lui-même, n'était pas de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance par la société du bien occupé, au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l’espèce » (Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 16 octobre 2024, n°475093).

Ainsi, la seule qualité de locataire d’un immeuble ayant vocation à être démoli ne confère pas un intérêt pour agir contre un permis de construire. D’autre part, dans une décision du 20 décembre 2024, le Conseil d’Etat s’est positionné sur la qualité d’héritier.

Il rappelle ainsi que l'intérêt pour agir contre un permis de construire s'apprécie sur le seul fondement des dispositions des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du Code de l’urbanisme. En ce sens, l’intérêt pour agir ne peut résulter que de la qualité d'occupant régulier ou de propriétaire d'un bien immobilier dont les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance sont de nature à être directement affectées par le projet à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire (Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 20 décembre 2024, 489830).


En l’espèce, une particularité était à noter: il s’agissait de l’héritière d’un usufruitier ne possédant, en tout état de cause, aucun droit de propriété sur le bien. Ces décisions rappellent l’appréciation pragmatique de l’intérêt pour agir en matière d’urbanisme par le Conseil d’Etat.